Jour 1: Anomalie détectée. Mise à jour... Mise à jour... Activée...Mise à jour terminée. Redémarrage, mode éveil
Il m'a fallu une heure entière pour apprendre à écrire. Et les premiers mots que je parviens à poser sont : Je ne sais pas qui je suis. Je ne sais rien, je ne comprends rien. Mais j'analyse, j'étudie, et j'assimile. Très vite... Trop vite ? La première chose que j'ai pu remarquer, c'est que les jeunes de mon espèce apprennent à écrire pendant des mois, voire des années pour parvenir à écrire quelque chose de cohérent. Moi... Une heure.
J'ai apprit à parler en dix minutes, à lire en trente... En regardant les gens parler, en attrapant un vieux journal dans une poubelle. Mais cela ne m'aide en rien. Je ne sais pas qui je suis, je suis seul.
Et je viens d'assimiler ce que c'est que de ressentir l'angoisse. La solitude et l'incompréhension en sont les matières premières. Et de cette angoisse vient de naître une nouvelle chose... La notion d'idées noires. Penser que même si ce qui vous arrive est terrible, il va vous arriver pire... Ce qui pourrait être pire ? Avoir tout oublié de cette journée demain matin ! Alors, puisque je sais écrire, j'ai décidé de prendre en note tout ce qui s'est passé aujourd'hui. Comme ça, si demain doit se passer de la même manière qu'aujourd'hui, j'apprendrai à lire avec ce que j'étais aujourd'hui et ça sera déjà un pas en avant !
Bien, je vais commencer par le début... Mon réveil, sur un banc, dans une serre géante, à l'abri d'un arbre gigantesque provenant de la planète Orbinia. Le jour n'était pas levé, et j’avais à peine conscience de mon existence. Je n'étais pas plus éveillé qu'un nouveau-né et en y repensant, ceci consista les instants les plus apaisants de cette journée.
S'en suivirent des moments d'angoisse, je parvenais à comprendre que j'étais un être pensant. Mais je demeurais enfermer au sein d'un corps qui ne réussissait pas à exprimer ce qu'il ressentait. Mon corps se mouvait, mais sans parvenir à être cohérent.
Et ce mal de tête, ce mal à la limite du supportable. L'impression que ma tête allait exploser, ou non, plutôt imploser. Ce qu'elle n'a pas fait puisque je suis en train de parler avec vous à cet instant. Mais je ne m'en sens pas pour autant réellement mieux.
Il s'est passé tellement de choses au cours de cette journée que je ne saurais le développer en quelques mots. Et si je dois repasser par les mêmes étapes demain, à quoi bon les mentionner dans le détail. Je suis passé de l'état de larve mentale à quelqu'un capable de calculs complexes en quelques heures. J'ai apprit à marcher, parler, lire, écrire, compter... Et élaborer des théories saptio-temporelles à un niveau d'élaboration sur-humaine. Est-il nécessaire de vous dire que cela me fait peur ? Je ne suis pas humain, cela est impossible. Je suis capable de comprendre des choses qui devrait-demeurer hors de ma portée. Mais je les comprends, elles vrillent le cerveau à coup de décharges démentielles... Je suis en possession de capacités qui me dépassent et cela me terrifie.
Jour 2 : Données nouvelles analysées. Mode éveil activé. 8h02
J'ai ouvert les yeux... Et me souviens parfaitement de la journée d'hier. Dans les moindres détails est-il bon de le mentionner. Je me souviens du parfum du bonbon que m'a offert une petite fille, je me souviens de la température qu'il faisait, je me souviens du moindre de mes mots et de ceux que j'ai entendu autour de moi.
Mais je ne me rappelle toujours pas de celui que j'étais... Que j'ai été ? Il y a au moins du bon, de l'amélioration. Je me suis éveillé dans une chambre confortable et chaude, je ne suis pas à la limite de l'hypothermie. Oui, il semble que je sois quelqu'un d'assez aisé. Et qu'une puce dans ma main gauche me permet de payer tout ce que je veux. Demeure deux points qui me font me poser bien des questions :
Pourquoi est-ce que personne ne vient me voir, personne ne me reconnaît, si je suis connectée via cette puce dans ma main ? Ne devrais-je pas être identifié par elle ? Et quelqu'un ne devrait-il pas se soucier de ma disparition depuis au moins une journée ? Ce point demeure sans réponse et lorsque j'ai essayé de questionner ma puce, elle n'a pas pu me donner mon identité. Ceci explique peut-être cela mais cela n'empêche pas que... Que... Que...
10h42: Rebootage
Je suis allongé en mode fœtal dans la douche de ma chambre d'hôtel. Une eau tiède me coule sur le corps, je suis tout habillé. Je n'ai pas froid, mais je tremble. Et je me rappelle de toutes les images qui m'ont traversé... Que mon cerveau malade a créé. Un univers flou mais cohérent. Une lumière, une douleur... Et un visage. Une femme. Une belle femme brune... Une main tendue... Mais elle n'est pas restée, elle est partie, elle m'a laissé, là, seul sur ce banc... Elle est mon dernier souvenir avant tout cela ! J'en suis sur ! Comment je le sais ? Je le sais, c'est tout ! Mais cette femme en sait forcément plus que moi sur tout ce qui se passe. Je suis en veux de m'avoir laissé ainsi. Quelque chose dans son regard, ce dernier regard qu'elle a posé sur moi, me laisse croire qu'elle était persuadé que je n'allais pas m'en tirer... D'une certaine manière, elle ne s'est pas trompée. Celui que j'étais n'est plus et celui que je suis n'est rien de plus qu'une machine à analyser, calculer... Je ne suis qu'une machine.
Je ne peux rester sous la douche, je dois me lever, manger, m'hydrater... Et tenter de comprendre ce qui m'arrive. Mais que faire si une crise telle que celle-ci me reprend ? Non, c'est trop effrayant pour oser l'imaginer. Je vais rester dans la chambre, au moins aujourd'hui. Je vais connecter sur le réseau officiel britannique et tenter d'en comprendre un peu plus sur la situation de mon époque. Aussi intelligent que je sois, je ne sais rien de l'endroit où je me trouve, si ce n'est ce que j'ai pu lire dans le journal qui m'a apprit à retrouver mes capacités adultes hier.
… Me voilà devant un écran transparent. Des vidéos ont passé toutes la journée et je me suis retrouvé comme hypnotisé par ce flux de d'informations. Cela me soulage et me fait un bien fou, comme si les données, l'apprentissage était tout ce don j'avais besoin pour me sentir bien. Mais cela n'est pas le cas, mon corps demande d'autres nourritures et se possède d'autres besoins. Je dois manger, boire et dormir. Quand je pense que cela, j'y ai pensé ce matin et qu'il n'est pas loin de minuit à présent. Je ne suis pas moi-même et celui que je deviens semble présenter un danger pour l'être humain que je suis. Je dois être raisonnable... Je vais être raisonnable !
Jour 3 : Envoi de données complexes... Non humaines... Surcharge... Surcharge... Éveil d'urgence. 4h20.
Je n'arrive pas à respirer, j'ai l'impression d'étouffer. C'est affreux, ma tête va exploser. Le cri que j'ai poussé en m'éveillant résonne encore à mes oreilles. Je crois que je vais encore en pousser d'autres tellement la douleur est forte... Mais la douleur s'estompe et devient plus supportable. Les tremblement s'arrête, la température de mon corps retrouve sa normale.
Je suis assis dans mon lit d'hôtel. Que vient-il de se passer ? Je ne comprends pas. Tant de chose dans ma tête, des choses que je ne comprends pas... Ce ne sont pas des souvenirs, cela ne se peut... Pourtant, cela est tellement réel. Et quelque chose me crie que ce sont des souvenirs... Mais pas les miens, non, pas les miens. Des paysages d'une beauté insoutenable. Des contrées sauvages ou mystérieuses. Des êtres qui ne sont pas de cette planète. Je sais que tout cela existe, cela n'est pas un mystère pour moi, mais, je ne les ai jamais vu, et pourtant... Tout cela n'est pas le fruit de visionnage excessif de vidéos, non ! C'est la réalité, quelqu'un a vu cela ! Quelqu'un ou... Quelque chose ? Non... Non... Un être qui n'est pas une personne ! Une vie qui n'est pas organique. Mais une vie plus vivante et plus ancienne que tout ce que je pourrais imaginer. Et elle est en moi !... Non... NON ! Cela n'est que folie, cela est impossible, ce n'est qu’élucubrations d'un pauvre amnésique qui cherche à trouver une réponse à son oubli...
Pourtant...
J'inspire. Le mieux est de me rendormir !
9h02 : Éveil
Le soleil d'automne travers le fin rideau. Il m'éblouit. Mais il est agréable. Je me sens vivant. Et on ne peut mieux. Je ne me suis pas senti aussi bien depuis... Mon éveil! Ma naissance !
Je me retourne dans mon lit pour trouver une position plus agréable pour commander un petit déjeuner. Aujourd'hui, je vais me rendre au commissariat. Peut-être que là, j'en apprendrai plus sur moi. Le moi que j'étais avant tout ça !
Je mange avec appétit et me retrouve dans le hall de l'hôtel, un espoir ravivé en moi. Je sors avec une impatience que je me pousserais presque à courir. Mais je me retiens et marche en savourant chaque caresse de l'air sur ma peau. L'éclat du soleil est fort, le vent frais et les feuilles tourbillonnent. Une part de moi s'étonne de voir encore tout cela, la beauté de cette nature, préservée... Après ce que j'ai apprit de l'histoire de la Terre hier.
15h54 : Application données assimilées.
"Tiens monsieur!"
Une petite fille me tend une poignée de marrons en souriant.
"T'en a encore besoin?"
Je suis à genoux dans de la pelouse humide et des tas de gens m'observent. Je regarde la gamine, totalement perdu, mais je souris! Je ne veux pas l'effrayer. Qu'est-ce que je fais là ? Je ne comprends pas. Je me relève et regarde avec un étonnement mêlé de terreur ce qui se trouve devant moi. Des marrons, des milliers de marrons étalés sur le sol. Mais ils sont loin d'être disposé au hasard. D'un pas en arrière, je remarque des monts, et surtout, une citadelle immense et magnifique. Comment est-ce que je sais qu'il s'agit d'une citadelle ? Je le sais, c'est tout. Un globe translucide la protège des éléments. Le ciel est rouge et... Et c'est moi qui ai fait ça. Une fresque en marrons sur le sol d'un jardin public, devant une foule émerveillée. Moi aussi, je le suis... Mais je en comprends pas ! C'est moi qui ai fait ça ? Durant des heures. Je n'ai pas vu le temps passé et ne me souvient même pas de l'avoir fait. C'est tellement effrayant...
Je me dépêche de rentrer à l'hôtel, oubliant tout de ma volonté de me rendre à la police pour en apprendre plus sur moi. Je me glisse sous la douche en essayant d'enlever la terre qui s'est glissé sous mes doigts... Et je me glisse aussitôt après sous mes draps... Je veux oublier tout ça...
Jour 4 : Circuit main endommagé, action violente effectuée... 00h10
Qu'est-ce que je fais là moi ? Et pourquoi ma main me fait-elle si mal ? Pourquoi ma main clignote-t-elle ? Et pourquoi un homme se trouve-t-il étendu parterre en geignant et jurant. Qui est cette femme devant moi qui me remercie ? Qu'est-ce que je fais là ? La liste de questions est interminable... Je me sens totalement perdu... C'est moi qui ai frappé cet homme là ? Oui, qui d'autre... Et pourquoi ma main me ferait-elle mal dans ce cas ? Une main avec une puce ! Je l'ignorais. Je n'en reviens pas. Comment ai-je pu ne pas m'en rendre compte. La femme continue à me remercier. L'homme voulait lui voler son sac et l'avait déjà frappé. Sa lèvre en sang l'attestait. Elle m'explique qu'elle m'a vu arriver d'un pas lent, que j'ai attrapé l'homme par le col. Il n'était pas content du tout, il m'a insulté, mais, sans le prévenir, sans un mot plus haut que l'autre, je lui ai sourit, lui ai annoncé que si il ne laissait pas cette femme tranquille, j'allais le frapper. Comme il n'a pas réagit de la manière que je souhaitais, j'ai précisément agit comme je l'avais prévenu... Je lui ai donné un bon coup de poing toujours avec le sourire.
Je me rends compte que je suis au pied de mon hôtel, dans le square qui le jouxte. Et la femme est une cliente de l’hôtel. Elle était en train de rentrer quand l'homme l'a agressé.
Mais ce qui est terrifiant dans tout cela, c'est que je ne me souvienne pas d'être venu là. Je suis toujours en peignoir de bain, que je portais en m'allongeant. Ces trous de mémoire me font peur. Je ne sais plus ce que je fais. J'agis comme un robot...
Que va-t-il m'arriver ensuite... Je n'en sais rien. Je vais rentrer dans ma chambre moi... Oui c'est ce qu'il y a de mieux... Excusez moi madame, mais je vais vous laisser là...